30/10/2010

La plus grande connaissance de l’Homme, est de savoir que la vie n’a pas de sens."
Tolstoï

Des millions de livres sur les sujets les plus invraisemblables écrits par ces grands esprits et finalement aucun d’eux n’en sait plus sur les grandes questions de la vie que moi. J’ai lu Socrate. Ce type avait l’habitude de se taper des petits grecs. Que Diable pourrait-il m’apprendre ? Et Nietzsche avec sa théorie de l’éternel retour. Il dit que la vie qu’on mène, on va la vivre encore et encore, de la même façon pour l’Eternité. Super ! Ça veut dire que je vais me retaper Holiday on Ice. Ca n’en vaut pas la peine. Et ce Freud, un autre grand pessimiste. J’ai été en analyse durant des années rien ne s’est passé. Mon analyste était si frustré, qu’il a finalement fait un coin bouffe dans son cabinet. Et tout ces gens faisant leur jogging pour éviter l’inévitable avachissement du corps. C’est si triste ce que les gens s’infligent avec leur vélo d’appart’ et leurs exercices de gym. Regardez celle là, la pauvre qui doit trimballer toute cette graisse. Elle devrait traîner ça dans un caddie. Les poètes ont peut être raison. L’amour, voila la seule réponse."

Text. Woody Allen, Hannah et ses soeurs, 1986
Pict. FM, Washington Street, NY

29/10/2010

MA FATIGUE EST SINCERE

Appuie-toi l'ami, repose ton corps, oublie ce que ta mère t'a dit, ou même ton aîné, courbe-toi et succombe à ces idées faciles, engraisse-toi de réconfort sucré, délecte-toi de ces successions d'images qui te rassurent. Regarde comment mes langues de béton usé sont généreuses, elle croient déjà à ta tristesse, et à ta paix. Oui, je suis un ami facile et je n'ai que toi, mais n'est-ce pas suffisant pour quelques minutes. Comme les héros fatigués qui grossissent de sagesse je te raconterais ton règne impossible, je surenchérirais jusqu'à l'absurde. Mon histoire est finie alors nous partagerons la tienne. Et si par chance le soleil veut bien nous accorder un peu de sa compassion alors il y aurait des ombres pour appuyer notre conte et nous nous réchaufferons du vent.

Assis-toi, voilà, non, ta cigarette ne me dérange pas, n'aie pas peur, crois seulement à mon écoute car ma fatigue est sincère.



picst,text. ae, Rio


28/10/2010

MI MUJER


Nicolas Jaar - Mi Mujer - Palais de Tokyo, Paris

Pict. FM

27/10/2010

OU BIEN, OU BIEN

"Mais, selon mon voeu, ce travail sera à l'articulation indécidable du Technique et de l'Ethique. Et si l'on pense que dans le champs de l'écriture, le Technique a pour assomption une Esthétique, ce travail (ce cours): situé a l'entrecroisement , à l'enchevêtrement de l'Esthétique et de l'Ethique.
C'est un problème kierkegaardien ( ou bien, ou bien ). Enonçons-le (et rectifions-le) avec Kafka (conversation avec Janouch) : Kierkegaard est confronté au problème suivant: ou bien jouir de l'être sur le monde esthétique, ou bien vivre l'être sur le mode moral. Mais il me semble que c'est là une façon erronée de poser la question. Cet "ou bien, ou bien" n'existe que dans la tête de Soren Kierkegaard. En réalité, on ne parvient à une jouissance esthétique de l'être qu'à travers une expérience morale et humble."

text: Roland Barthes, Cours et Séminaires au collège de France, La préparation au roman
pict: ae

26/10/2010

SATORI A PARIS


Tous me décochèrent des regards absolument noirs lorsqu’ils entendirent mon nom, comme s’ils se marmonnaient intérieurement : « Kerouac , je peux écrire dis fois mieux que ce cinglé de beatnik, et je le prouverai avec ce manuscrit intitulé Silence au Lip, tout sur la manière dont Renard entre dans le hall en allumant une cigarette, et refuse de voir le triste et informe sourire de l’héroïne, une lesbiennes sans histoire, dont le père vient de mourir en essayant de violer un élan, à la bataille de Cuckamonga ; et Philippe, l’intellectuel entre, au chapitre suivant, en allumant une cigarette, avec un bond existentiel à travers la page blanche que je laisse ensuite, le tout se terminant par un monologue de la même eau , etc,..tout ce qu’il sait faire, ce Kerouac, c’est écrire des histoires, hhan. » - « et tout est de si mauvais goût, pas même une seule héroïne bien définie, en pantalon domino, crucifiant des poulets pour sa mère, avec marteau et clous dans un évènement dans la cuisine. »
Hac, la seule chose que j’ai envie de chanter, c’est le vieil air de Jimmy Lunceford :

C’est pas tellement ce que tu fais
C’est la manière dont tu le fais


Text : Satori à Paris, Jack Kerouac, 1966
Pics. FM, Métro&Le Floréal, Paris

24/10/2010

VOIR LES FILLES DEFILER COMME LES CHEVAUX COURIR

C'est avec la bouche béate de l'occasion hautement féminine annoncée que nous franchissons les portes de la galerie. Sitôt les obligations administratives remplies, chic cadeau de bienvenue dans les mains, nous découvrons le public de la cour. Hautement stylisé, jambes chaussures chapeaux, tout respire le luxe - les cigarettes se consument accompagnant dans leur fumée les filles en robe de chambre blanche. La machine aux fantasmes est déclenchée.
Pour sentir le précieux liquide vinicole se déverser dans nos gorges nous devons nous diriger vers l’intérieur, nouvelle étape -peu de surprises - une exposition anodine, apparemment. Nous échangeons quelques éclats de rires partagés sur le récit des aventures de l’été, quelques regards à peine appuyés sur les jeunes femmes environnantes, et le show commence.
Entrée fracassante de la musique, passage express des premières juments, le pas rapide, à peine le temps de voir comment se déroule la course, elles disparaissent derrière le mur blanc qui nous sépare d’elles. Que s'est-il passé? Nous sommes au milieu de la foule, timide.s Le rythme se calme, une danseuse métisse prend la pose Degas dans un coin et surveille le défilé minutieux de ses amies. La température monte, extrêmement rapidement, les bulles du champagne prennent des dimensions inconsidérées et se mélangent aux bribes de filles que nous apercevons, expérience est photographique, tout se partage par snapshots, par entrebâillement de murs et de gens, tout va trop vite, tout est sublime, c’est déjà fini, nous sommes assommés.
Retour vers l’extérieur, nouveau départ. Les discussions reprennent mais nos rotules continuent de danser, nous partageons des détails, les cigarettes se rallument, les verres se remplissent. Sommes-nous bien réels ? Le temps passe trop vite qu’une nouvelle session s’entame. Sans trop bien comprendre ce qui nous a nourri, son goût persistant nous rappelle.
En fins stratèges nous décidons cette fois de nous mettre à nu, face aux filles, seul dans l’embrasure de la porte, pour vérifier leur réalité.
Peu de mots pourront décrire ce qui va suivre. Cette fois l’expérience est totale. Elles sont face à nous et entières. Elles animent les peintures, elles donnent enfin aux photographies exposées leur valeur romantique, tout est finement étudié pour nous faire tressaillir. Leurs personnalités physiques s’adaptent aux coupes des vêtements, tout semble tissé pour ce moment même, les filles tournent maladroitement mais font virevolter habilement la collection ; notre œil en se posant sur leur perfection tente d’en reconnaitre les abîmes, mais sitôt qu’ils semble se dévoiler le tissu nous ramène à la raison, érotisme machiavélique pour esthètes sophistiqués. Les regards qu’elles nous concèdent ne sont plus supportables. Les griffes sont refermées, notre chair commence à en sentir la douleur. La musique s’arrête, les filles rentrent au garage. La grisaille du pavé parisien nous frappe de plein fouet, il va nous falloir quelques heures pour nous en remettre.

Text/Pict. FM, Galerie Agnès.B, Paris

23/10/2010

ATOM HEARTH MOTHER

Pink Floyd - Atom Hearth Mother - Bézu Saint Germain, France

Pict. FM

22/10/2010

J'AIME MIEUX RACONTER DES HISTOIRES


J’aime mieux raconter des histoires. J’en raconterai de telles qu’ils reviendront, exprès, pour me tuer, des quatre coins du monde. Alors ce sera fini et je serai bien content.

Text: Mort à crédit / Céline
Pics: ae

11/10/2010

DE L'AMITIE


« J’ai toujours auprès de moi une présence importune », pense le solitaire. « Toujours une fois un, cela finit par faire deux, à la longue.
Je et Moi sont engagés dans un dialogue trop véhément. Comment serait-il supportable, s’il n’y avait l’ami ? »
Pour le solitaire, l’ami est toujours un tiers ; le tiers est le flotteur qui empêche le dialogue des deux de sombrer aux abîmes.
Hélas ! il y a toujours trop d’abîmes pour tous les solitaires. C’est pourquoi ils ont une telle soif de l’ami et de son altitude.
Notre foi en autrui trahit ce que nous voudrions pouvoir croire de nous-mêmes. Le désir que nous avons d’un ami nous trahit.
Et souvent l’amour ne sert qu’à surmonter l’envie. Et souvent l’on n’attaque et l’on ne se fait un ennemi que pour cacher que l’on est vulnérable.
« Sois à tout le moins mon ennemi ! » —ainsi parle le véritable respect qui n’ose solliciter l’amitié.
Si l’on veut avoir un ami, il faut vouloir aussi se battre pour cet ami ; et pour se battre, il faut pouvoir être ennemi.
Il faut honorer dans son ami l’ennemi même. Peux-tu venir près de ton ami sans passer dans son camp ?
Il faut avoir en son ami son meilleur ennemi. C’est en lui résistant que tu seras le plus près de son cœur.
Tu ne veux porter aucun voile pour ton ami ? Tu penses faire honneur à ton ami en te montrant à lui tel que tu es ? Mais pour t’en remercier, il t’envoie au diable.
Celui qui ne dissimule rien de soi excite notre indignation ; voilà pourquoi il vous faut tant craindre la nudité. Si vous étiez des dieux, bien sûr, c’est de vos vêtements que vous auriez honte.
Tu ne saurais assez te parer pour ton ami ; car tu dois être pour lui la flèche du désir élancé vers le Surhumain.
As-tu déjà vu dormir ton ami, afin de le connaître tel qu’il est ? Quel est donc le visage coutumier de ton ami ? C’est ton propre visage, vu dans un miroir grossier et imparfait.
As-tu déjà vu dormir ton ami ? N’as- tu pas eu peur en le voyant tel qu’il est ? O mon ami, l’Homme est ce qui doit être dépassé.
Il faut que l’ami soit passé maître dans l’art de deviner et de se taire ; garde-toi de vouloir tout voir. Que ton rêve te révèle ce que fait ton ami qui veille.
Que ta pitié soit divinatrice ; sache d’abord si ton ami souhaite ta pitié. Peut-être aime-t-il en toi l’œil impassible et le regard de l’éternité.
Que ta pitié pour ton ami se dissimule sous une écorce rude ; casse-toi une dent sur cette pitié ; elle aura alors finesse et douceur.
Es-tu pour ton ami air pur et solitude, et pain et remède salutaire ? Plus d’un qui n’a pu libérer ses propres chaînes a su pourtant en libérer son ami.
Es-tu esclave ? Tu ne pourras être ami. Es-tu tyran ? Tu ne pourras avoir d’amis.
Trop longtemps il y a eu chez la femme un esclave et un tyran cachés. C’est pourquoi la femme n’est point encore capable d’amitié : elle ne connaît que l’amour.
Il y a de l’injustice dans l’amour de la femme, et de l’aveuglement à l’égard de tout ce qu’elle n’aime pas. Et même dans l’amour éclairé de la femme, il reste toujours, à côté de la lumière, la surprise, l’éclair et la nuit.
La femme n’est pas encore capable d’amitié ; des chattes, voilà ce que sont les femmes, ou des oiseaux ; ou, tout au plus, des vaches.
La femme n’est pas encore capable d’amitié. Mais dites-moi, hommes, qui d’entre vous est capable d’amitié ?
Hélas, quelle pauvreté est la vôtre ! Et combien grande la parcimonie de vos âmes ! Ce que vous donnez à votre ami, je suis prêt à l’offrir à mon ennemi, et je ne me sentirai pas appauvri d’autant.
La camaraderie existe : puisse l’amitié naître !

text : Friedrich NIETSZCHE, Ainsi parlait Zarathoustra (1883-1885), Les discours de Zarathoustra.
pic: anonyme, Walker Evans, 1937

04/10/2010

GOODBYE


Koudlam - Goodbye - Wall Street, New York

Pics. FM, Wall Street&Battery Park, NY

01/10/2010

ECHAPPES CHAMPETRE

Ils tentèrent de fuir.

On ne peut vivre longtemps dans la frénésie. La tension était trop forte en ce monde qui promettait tant, qui ne donnait rien. Leur impatience était à bout. Ils crurent comprendre,un jour, qu'il leur faillait un refuge.

Leur vie,à Paris, marquait le pas, Ils n'avançaient plus. Et ils s'imaginaient parfois - enchérissant sans cesse l'un sur l'autre avec ce luxe de détails faux qui marquait chacun de leur rêves - petit-bourgeois de quarante ans, lui, animateur d'un réseau de ventes au porte-à-porte (la Protection familiale, le Savon pour les Aveugles, les Etudiants nécessiteux), elle, bonne ménagère, et leur appartement propret, leur petite voiture, la petite pension de famille où ils passeraient toutes leur vacances, leur poste de télévision. Ou bien à l'opposé, et c'était encore pire, vieux bohèmes, cols roulés et pantalons de velours, chaque soir à le même terrasse de Saint-Germain ou de Montparnasse, vivotant d'occasions rares, mesquins jusqu'au bout de leur ongles noirs.

Ils rêvaient de vivre à la campagne, à l'abri de toute tentation. Leur vie serait frugale et limpide. Ils auraient une maison de pierres blanches, à l'entrée d'un village, de chauds pantalons de velours côtelé, des gros souliers, un anorak, une canne à bout ferré, un chapeau, et ils feraient chaque jour de longues promenades dans les forêts. Puis ils rentreraient , ils se prépareraient du thé et des toasts, comme des Anglais, ils liraient les grands romans qu'ils n'avaient jamais eu le temps de lire, Ils recevraient leurs amis.

ces échappés champêtres étaient fréquentes, mais elles atteignaient rarement le stade de vrai projets. Deux ou trois fois, il est vrai, ils s'interrogèrent sur les métiers que la campagne pouvait leur offrir : il n'y en avait pas.


text : George Perec / les choses

pict : ae, Denderlew Belgique